Article écrit par Alain HUMBERTCLAUDE, pour la Vie Agricole de la Meuse.
Installé au sein de l’Earl de Woëcourt, Kévin Remy voue une vraie passion à son élevage qu’il cherche constamment à faire progresser. Après avoir investi dans un nouveau bâtiment pour les vaches laitières, il a décidé d’intensifier l’élevage des veaux pour avancer l’âge au vêlage.
L’Earl de Woëcourt est une ferme de polyculture-élevage laitier située dans le hameau du même nom, à proximité du village de Nouillonpont, dans le nord meusien. L’exploitation compte 260 ha, dont 200 ha en cultures et un élevage laitier de 130 vaches ; les veaux mâles sont élevés pour produire des taurillons. Diplôme d’ingénieur en poche, Kévin Remy s’est installé début 2012, après avoir été technicien dans un organisme d’élevage en Lorraine. Il a rejoint son père sur la ferme familiale, en remplaçant un associé qui partait à la retraite.
Un bâtiment moderne
Depuis son retour sur la ferme, Kévin Remy n’a de cesse de moderniser et développer l’élevage laitier, qu’il affectionne particulièrement. « Je préfère mettre la cotte et les bottes que monter sur le tracteur » déclare sans détour le jeune agriculteur âgé de bientôt 30 ans. Peu après son installation, et suite au non renouvellement d’un bail qui a entraîné la perte de 80 ha et d’un bâtiment d’élevage situés dans un village voisin, il envisage d’abord de construire un bâtiment pour les génisses. Mais conforté par la décision de l’Union laitière de la Meuse de libéraliser les quotas avant l’heure, il décide d’investir dans une nouvelle stabulation pour les vaches. Les travaux débutent en juin 2013, et les animaux entrent dans le bâtiment moins d’un an plus tard. L’investissement global atteint un million d’euros. Situé sur une butte, le bâtiment de 2.200 m2 à charpente bois est soumis à tous les vents. Pour assurer toute l’année une bonne ambiance, les éleveurs ont opté pour des filets brise-vents sur les deux grands côtés,
qui peuvent s’abaisser jusqu’au ras-du-sol. « L’ouverture des filets se fait automatiquement, en fonction de la température intérieure et extérieure, de la vitesse et du sens du vent, et de la pluviométrie », explique Kévin. Ainsi, pendant les fortes chaleurs en été, les filets sont complètement ouverts, et en hiver, une température d’au moins 5 degrés est recherchée, sachant toutefois qu’il peut geler dans le bâtiment. « La température optimale pour une vache est différente de la nôtre », rappelle l’éleveur. Un filet anti-oiseau empêche leur accès dans le bâtiment.
Podomètres pour les génisses et les vaches
La nouvelle construction compte 127 logettes. Elles sont équipées de matelas recouverts de farine de paille, une litière qui a remplacé la sciure depuis le début de l’année « car elle est plus lourde, vole moins, et plus absorbante », justifie Kévin Remy. Le nettoyage des caillebotis est assuré en continu par un robot racleur ; sur la table d’alimentation, un autre robot repousse la ration pour qu’elle soit toujours à disposition des animaux. La salle de traite 2 x 8 postes par l’arrière est située à l’entrée du bâtiment. « On a préféré une salle de traite plutôt qu’un robot, pour avoir toujours un oeil sur les vaches, et parce qu’elle peut être facilement agrandie », explique Kévin, qui assure la traite du soir, son père celle du matin.
La salle de traite est munie de compteurs à lait et d’analyseurs qui permettent de connaître le Tb et le Tp, et fournit une indication sur le taux cellulaire. Les données sont enregistrées sur ordinateur. En sortie de traite, une porte de tri permet de diriger automatiquement les vaches à inséminer ou à soigner dans une petite aire paillée ou vers une demi douzaine de logettes, également situées à l’entrée du bâtiment, pour faciliter les interventions et limiter les risques sanitaires ; un accès spécifique a été prévu pour les intervenants extérieurs. L’agrandissement du bâtiment et de la salle de traite a également été prévu, « mais il vaut mieux y aller par étape surtout dans le contexte actuel » précise Kévin. Pour suivre de plus près le troupeau, les vaches et génisses sont équipées de podomètres, qui permettent de connaître leur activité, et de détecter les chaleurs et une partie des vêlages. Placés sur la patte avant, ils servent aussi à identifier l’animal à l’entrée de la salle de traite, dans la porte de tri et pour l’accès au Dac. Malgré ces dispositifs, « l’oeil de l’éleveur reste indispensable », souligne Kévin qui s’estime capable de reconnaître toutes ses vaches, même sans leur boucle d’identification.
Abaisser de l’âge au vêlage
Dans sa conduite d’élevage, Kévin Remy a décidé d’avancer l’âge au vêlage à 22 mois, contre 30 mois auparavant, afin d’avoir moins de génisses. Pour cela, il a décidé d’intensifier l’élevage des veaux, en leur permettant de boire beaucoup de lait au démarrage, jusqu’à 9 litres par jour à l’âge de quinze jours. «En élevage allaitant, les plus beaux veaux sont ceux dont la mère donne le plus de lait», justifie-t-il. La quantité de poudre de lait (à 28 % de protéine) distribuée atteint ainsi 85 kg par veau jusqu’au sevrage, réalisé à 80 jours. Une louve permet d’individualiser les volumes, complétés par des granulés à volonté. Jusqu’à trois mois et demi, les veaux consomment de la paille et des granulés, également à volonté. Puis ils rejoignent le bâtiment post sevrage, où ils reçoivent de la paille à volonté et des granulés matin et soir (de 4 à 6 kg/j). Les mâles et les femelles étant élevés selon le même protocole jusqu’à six mois, cela permet aussi de finir les babys plus tôt, à 15-16 mois au lieu de 18. Pour suivre la croissance de ses animaux, identifiés avec des boucles électroniques, l’éleveur s’est équipé d’une cage de contention avec système de pesée et dispositif de lecture qui permet d’enregistrer automatiquement les données. Et apparemment, les résultats sont probants : le poids au sevrage des premiers lots «atteint 120 kg en moyenne, et devrait être de 240 à 250 kg à six mois», explique l’éleveur. L’âge au vêlage a également été abaissé à 24 mois. Dans le contexte actuel, Kévin Remy est conscient que le choix de privilégier les veaux représente un coût, mais il estime « que c’est un investissement pour l’avenir, qu’il faut raisonner à long terme ». Il envisage d’ailleurs de l’améliorer encore en remplaçant les granulés par un «mash» distribué à volonté, un mélange de luzerne séchée, tourteau de soja, maïs grain, pulpe de betterave et corn gluten, qui permettrait « d’étaler la consommation sur toute la journée, et de limiter la concurrence ».
Alain HUMBERTCLAUDE